On entend aujourd'hui par fanatisme une folie religieuse, sombre et cruelle. C'est une maladie de l'esprit qui se gagne comme la petite vérole. Les livres la communiquent beaucoup moins que les assemblées et les discours. On s'échauffe rarement en lisant : car alors on peut avoir le sens rassis. Mais quand un homme ardent et d'une imagination forte parle à des imaginations faibles, ses yeux sont en feu, et ce feu se communique ; ses tons, ses gestes, ébranlent tous les nerfs des auditeurs. Il crie : « Dieu vous regarde, sacrifiez ce qui n'est qu'humain ; combattez les combats du Seigneur » et on va combattre. Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. [...]
Voltaire
extrait du Dictionnaire philosophique, 1764
de Jürgen Osterhammel, Hugues Van Besien (traducteur)
Éditions Nouveau Monde, 2017
36,00 €
Déjà traduit dans une dizaine de langues, ce maître livre d'histoire globale se classe d'emblée par son ambition, son écriture et l’ampleur de ses approches au rang des Braudel ou Hobsbawm (dont il offre un contrepoint libéral).
Cet ouvrage offre un panorama historique particulièrement ambitieux du monde au XIXe siècle, une époque de fort bouleversement. À partir d’une masse de sources et d’une grande variété d’angles de vision se dessine le portrait à facettes d’une époque cruciale de notre histoire. Osterhammel s’appuie sur des structures et des modèles, des ruptures marquées et des continuités, des similitudes et les différences. Cette histoire globale du XIXe siècle est d’abord une histoire des villes, des transports, de la production, des échanges, des migrations, de la démographie, etc. à l’échelle du monde.
Ce sont avant tout les phénomènes transnationaux ou transcontinentaux, non événementiels, qui occupent le devant de la scène. L’objet de cette histoire, ce sont donc les structures « braudéliennes » de la vie quotidienne et des dynamiques à l’œuvre. La mise en service des égouts de Londres est ainsi présentée comme un événement de portée mondiale...
L’auteur décentre le point de vue par rapport à l’histoire nationale et événementielle. Il rétablit le poids des événements hors d’Europe occidentale à une plus juste mesure. C’est bien une histoire post-coloniale et une histoire mondiale, c’est-à-dire ni particulièrement européenne ou nationale, même pour le siècle de la domination européenne (ou « occidentale ») du monde.