Je conçois deux Univers. Le long a 16 milliards d’années. Le court, extrêmement récent, est un Univers réfléchi : quelques-uns de ses habitants ont conscience de lui. La pointe de ma plume donne existence à ma conscience et recréerait, couleur sans dimension, le profil d’une jeune fille.
Hubert Lucot
extrait de Recadrages, éditions P.O.L, 2008
Sitaudis.fr : Revue off
Ivan Messac une vie en images par François Huglo 17/04/2024
Lettres adressées à des petites filles, de Lewis Carroll par Christophe Stolowicki 17/04/2024
Patrick Beurard-Valdoye, Lamenta des murs par Jacques Barbaut 15/04/2024
du9 : L'autre bande dessinée
Léa Murawiec 15/03/2024
Phrénologie 1905 14/03/2024
Très chouette 13/03/2024
Nous avons le plaisir de vous présenter
à l'occasion des 15 ans de la librairie ZADIG
« Lèvres de pierre »
(Actes Sud, parution en librairie le 22 août 2018)
une lecture-présentation de Nancy Huston
le vendredi 24 août 2018 à 19h à la librairie
(sur réservation)
Comment et pourquoi Nancy Huston écrit-elle aujourd’hui le récit de ses années de formation en miroir de celles d’un Cambodgien de la génération de son père, venu comme elle à Paris, y étant entré en politique mais aussi en écriture avant de devenir Pol Pot, l’un des pires dictateurs du XXe siècle ? Ce livre de lucidité et d’intuitions mêlées, qui fait suite à Bad Girl, laisse au lecteur le troublant sentiment de se tenir au plus près du pouvoir des hasards qui façonnent les chemins de la création et de la destruction, les pages sanglantes de la fiction comme celles de l’histoire.
Le Cambodge, je n’y suis allée qu’une fois, début 2008. J’y avais tenu un journal… Au long des années qui ont suivi ce voyage, je ne savais que faire de mon sentiment presque absurde, et pourtant persistant, que le Cambodge me concernait. Par-delà les décennies et les continents, le « Kampuchéa démocratique » des Khmers rouges insistait, me sollicitait, m’assurait que je n’étais pas étrangère à cette histoire, et m’exhortait à l’approcher par l’écriture. Mais par quel bout prendre un thème aussi désespérément « exotique » ? Qu’avais-je à dire, moi, Blanche et bobo, citoyenne de deux grandes puissances occidentales, au sujet de ce petit pays si violemment étranger à l’autre bout du monde ? Comment me l’approprier par l’écriture, sans me sentir dans l’imposture en permanence ? Après de longs mois de changements de cap formel (roman ? essai ? récit ?) et des glissements de terrain m’ayant amenée plusieurs fois au bord du renoncement – autant d’avatars de la résistance (car, je le sais bien, un blocage qui semble lié aux aspects formels du travail reflète presque toujours la peur de toucher à certaines matières intimes et inflammables qui pourraient vous exploser à la figure…) –, j’ai repris pour la énième fois mon journal de 2008 : « 14 janvier. Les sourires du roi Jayavarman à Boyan épousent les sillons des balustres de pierre, sa tête est partout intégrée aux épaisses colonnes sombres – sur chacune de leurs côtés – il nous regarde d’en haut en souriant, face et profil, Big Brother du XIIe siècle… Lèvres de pierre, lèvres de pierre, sourire radieux mais absent, bienveillant mais vide : omniprésent, de même, sur les statues du Bouddha et toutes les photos de Pol Pot… » Soudain j’ai frémi. Je venais de tomber sur le seul Cambodgien en qui j’arriverais peut-être à me projeter : Pol Pot. Idée folle et pourtant la seule possible. Non pas Pol Pot chef d’État, mais l’enfant, l’adolescent et le jeune homme, qui s’appelait encore Saloth Sâr. Il se trouve que j’ai un pseudonyme moi aussi : Dorrit. Seulement, à l’inverse du dictateur cambodgien, je ne l’utilise que dans mes textes autobiographiques. Il n’était pas impossible que, malgré leurs dissemblances flagrantes, nos trajectoires s’éclairent l’une l’autre.
Nancy Huston
Photo Nancy Huston © Adeline Sagalyn
Née à Calgary, au Canada, Nancy Huston est l’auteur de nombreux romans et essais publiés chez Actes Sud et chez Leméac, parmi lesquels Instruments des ténèbres (1996 ; prix Goncourt des lycéens et prix du Livre Inter), L’Empreinte de l’ange (1998 ; grand prix des Lectrices de Elle), Lignes de faille (2006 ; prix Femina), Reflets dans un œil d’homme (2012), Danse noire (2013) et Bad Girl (2014).
Entrée : 4 €/tarif réduit 3 €
(Sur réservation)