Le prix des livres est aligné sur celui des repas. Un livre de poche correspond à un sandwich ou un hamburger, un livre d'art ou une édition originale à l'addition dans un restaurant gastronomique. Mais à prix égal, c'est toujours le livre que le public trouve trop coûteux, alors qu'il s'émerveille de la somme modique du repas.
Roland Topor
extrait de Pense-bêtes, édition L'Apocalypse, 2012
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Souveraine Angot
Un amour impossible constitue le hors-champ d’Une semaine de vacances dans lequel l’auteur décrivait dans une prose étouffante et dense l’inceste subi lorsqu’elle était adolescente. Angot revient ici sur la rencontre de ses parents, à Châteauroux, dans les années 1950, dans une France n’ayant pas encore connu la déflagration libertaire et libérale de mai 68. Son père, Pierre, issu d’un milieu bourgeois aisé, séduit une femme, Rachel, qui n’est pas de son milieu d’origine. Il refusera toujours de l’épouser et mettra des années à reconnaître civilement leur enfant. La question sociale est ici centrale, comme dans Les Petits ou Le Marché des amants, la société étant par essence le lieu des rapports de pouvoir et d’affirmation symbolique de la puissance de classe, et non pas seulement comme le décrivent platement les sociologues le lieu de la reproduction des élites et le règne sans partage des héritiers. Que le titre du roman ne nous trompe pas, Angot relate moins l’impossibilité d’une idylle soumise aux aléas de l’existence que la logique implacable qui conduit un universitaire lettré et cultivé de la grande bourgeoisie à transgresser l’interdit par excellence qui est celui de l’inceste.
Car si l’auteur raconte certes les étapes d’une passion amoureuse en dents de scie qui ont présidé à sa naissance, les difficiles et rares rencontres entre l’enfant et l’adolescente qu’elle était et un père dont elle finira par se rapprocher bon an mal an, il n’en demeure pas moins que ce récit singulier et souverain tend tout entier vers la démonstration qu’une logique de classe est toujours à l’œuvre dans les rapports amoureux et parfois même filiaux. Encore une fois, Christine Angot dépasse la simple relation naturaliste - et surpasse par là même dans son éternel retour des mêmes interrogations lancinantes l’opportunisme de ceux qui font leur rentrée littéraire comme on fait son marché ou comme l’on se couche. Angot n’a pas de prix - elle dépasse donc le récit de circonstance pour nous offrir un réquisitoire contre un ordre social élitiste et discriminatoire qui continue de fragmenter et de voir exploser fixe une société qui s’aveugle sur ses privilèges et perpétue ses plus rances préjugés.
Olivier Rachet
Christine Angot, Un amour impossible, Flammarion 2015