On entend aujourd'hui par fanatisme une folie religieuse, sombre et cruelle. C'est une maladie de l'esprit qui se gagne comme la petite vérole. Les livres la communiquent beaucoup moins que les assemblées et les discours. On s'échauffe rarement en lisant : car alors on peut avoir le sens rassis. Mais quand un homme ardent et d'une imagination forte parle à des imaginations faibles, ses yeux sont en feu, et ce feu se communique ; ses tons, ses gestes, ébranlent tous les nerfs des auditeurs. Il crie : « Dieu vous regarde, sacrifiez ce qui n'est qu'humain ; combattez les combats du Seigneur » et on va combattre. Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. [...]
Voltaire
extrait du Dictionnaire philosophique, 1764
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de P. F. Roy (préface Marc Meneau)
Éditions Créaphis, 2023
12,50 €
« Alors que nous quittions la cuisine, George posa sa dernière question : — Is there any book about dipping ? Qu'il ne se soit pas exprimé en français, langue qu'il parle couramment, donnait du poids à sa parole. Je répondis “Non, il n'existe pas de livre sur le trempage” et décidai d'en écrire un. »
Trempe-t-on différemment à Paris, en province, à l'étranger ? Assembler, est-ce cuisiner ? Tremper, est-ce de la gastronomie ? Existe-t-il des recettes de trempage ?
Si vous êtes insensible à ces questions et les considérez futiles, vous ne tremperez jamais. Cette pratique humaine et quotidienne concerne davantage les collations que les repas ; les trempeurs exercent le matin au petit-déjeuner et au goûter vers dix-sept heures.
Tremper serait-il une spécificité française de l'art de se mettre à table pour le petit déjeuner, le goûter ou le souper ? Que signifient "tremper sa chemise", "tremper la soupe", un acier "trempé", prendre une "trempe" ? Exercice littéraire jubilatoire, foisonnement baroque sur un geste quotidien, un presque rien appétissant où les mots se savourent.
Subtil, l'auteur esquisse une anthropologie de l'acte de tremper (dont il rappelle l'anagramme : "permet ") comme un fait social total et un marqueur de distinction. Ainsi le trempage se différencie du sauçage (acte pour lequel le trempeur "a pied" dans un récipient de faible profondeur). S'il évoque la mouillette, c'est pour la mettre entre parenthèses car n'est pas tartine qui veut et la coque de l'oeuf n'a "pas de bol".
Joyeuse dissertation sur l'origine et l'art de goûter, ce petit essai inclassable mais très classieux se déguste du bout des doigts comme un mets précieux.