Le conteur primordial mobilise déjà l’incertitude épique de Cervantès ; les distorsions du réel de Kafka ; les touffeurs langagières de James Joyce ; le majestueux détour de Faulkner autour d’une damnation originelle... Et, je ne veux pas vous faire de la peine, mais il m’est arrivé d’imaginer, à l’écoute de nos vieux contes, que ce cher Rabelais, ce père du langage, ce surgissement d’une catastrophe esthétique extrême, venait très certainement d’une plantation martiniquaise. Je crois que Rabelais est un conteur créole.
Patrick Chamoiseau
Discours inaugural de la Chaire d’écrivain en résidence, Sciences Po Paris, 27/01/2020
de Volker Braun, traduction de l'allemand par Jean-Paul Barbe et Alain Lance. Édition et préface d'Alain Lance
Éditions Poésie/Gallimard, 2018
10,00 €
Essentiellement poète, mais aussi romancier et dramaturge collaborateur du Berliner Ensemble, Volker Braun est né en 1939 à Dresde. Sa vie et son œuvre sont étroitement liées à l'histoire de la RDA dont il fut sans doute un des poètes les plus emblématiques malgré sa prise de distance critique très précoce avec les dérives du système bureaucratique qui trahissaient les principes initiaux. Dissident de l'intérieur en quelque sorte, surveillé par la Stasi, il développe une poésie intempestive, dans la tradition d'un Heine ou d'un Brecht, caractérisée par l'usage constant de l'ironie comme instrument d'analyse, virtuose et complexe dans ses formes. On y entend certes un désenchantement mais sans renoncement ni désengagement, le poète continuant jusqu'à aujourd'hui à réfléchir aux raisons de l'échec de la RDA comme aux impasses du modèle capitaliste occidental.