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Coups de cœur

Seul dans Berlin de Hans Fallada

Seul dans Berlin de Hans Fallada

Un auteur berlinois à redécouvrir ?

C'est à Berlin, pendant la guerre, dans un immeuble, n'importe lequel de ces immeubles berlinois où chacun tente de survivre, c'est-à-dire, selon les cas, de subsister, de se cacher, de s'enfuir, de tenir encore un peu, de tirer son épingle du jeu, de coopérer avec le pouvoir ou de s'opposer à lui. Les personnages du livre, qu'ils soient nazis, opposants ou neutres, sont seuls, toujours seuls parce que toujours en danger : faute de pouvoir parler aux autres, ils n'ont aucun moyen de valider leurs intuitions et sont condamnés à des initiatives isolées et par là même infructueuses.

Et c'est bien là le plus poignant : l'impossibilité de mettre en réseau les révoltes de chacun, de mettre en place une résistance collective. Leur enthousiasme et la recherche fragile d´une construction autour d´un idéal les ont précipités dans un chaos que beaucoup n´ont désormais plus les moyens de refuser. Alors, nous dit Fallada, puisqu'ils sont la seule manière de lutte, les sursauts individuels, même inefficaces, sont peut-être la seule manière d'humanité.

Autre versant, celui de la chute, du monumental Berlin Alexanderplatz d´Alfred Döblin, où l´on voyait l´accession irrésistible du pouvoir nazi, Seul dans Berlin raconte un Berlin populaire bien loin des clichés : réfractaire à l´autorité et si loin de la folie de ses dirigeants, un petit peuple se dessine au fil des pages, qui par delà l’amertume des illusions perdues, réhabilite la figure du résistant allemand et européen ordinaire.


Seul dans Berlin, Hans Fallada
Folio, Paris, 2005
11,- €

Passage à l’ennemie de Lydie Salvayre

Passage à l’ennemie de Lydie Salvayre

Rabelais en banlieue

Un inspecteur des Renseignements Généraux, chargé par sa hiérarchie d’infiltrer un groupe de délinquants, endosse un survêtement, une paire de Nike et s’installe dans la cité des Arcs. Décidé à percer le mystère de ces jeunes oisifs constamment auréolés d’un nuage de fumée, il se lie d’amitié avec certains d’entre eux. Les rapports qu’il adresse régulièrement à sa hiérarchie prennent, au fil des jours et de l’absorption continue de haschich, une tonalité plus rieuse, presque magnanime à l’égard de ses nouveaux voisins, qui répondent à la stricte définition du délinquant -« tous les enfants ou adolescents vivant dans une cité en zone péri-urbaine, dont les ancêtres, originaires du continent africain, portaient un anneau dans le nez ou un turban sur la tête (surmontée d’une plume) ». La courbure de hanches et le troublant silence de Dulcinée, l’unique fille du groupe, auront définitivement raison de son professionnalisme, entérinant son « passage à l’ennemie ».

Dans ce texte vif, jubilatoire, Lydie Salvayre prend un malin plaisir à ridiculiser l’institution policière, l’obsession sécuritaire. En convertissant un inspecteur au mode de vie des prétendus « sauvageons », elle renverse habilement les rôles, et le danger change de camp. Son écriture, ironique et tranchante, fait merveille. Un éclat de rire rabelaisien parcourt le livre, réduisant l’ordre, la sécurité et la peur à de pitoyables pantalonnades.
Et Lydie Salvayre, d’un coup de semonce salvateur, fait brusquement sortir la littérature française de sa torpeur et de son désintérêt pour la chose sociale.

Pierre Ducrozet

Passage à l'ennemie, Lydie Salvayre
Points Seuil, Paris, 2004
9,- €

Lehaïm – À toutes les vies de Michaël Sebban

Lehaïm – À toutes les vies de Michaël Sebban

L´année 2003, Eli S., fils de boucher d´Oran, parfait produit de l´intégration, est professeur de philosophie dans un établissement réputé difficile de Seine-Saint-Denis, où il enseigne les principes de la République à des jeunes qui n´y croient plus.
Le Contrat social de Rousseau en filigrane, un constat s´établit : la société des jeunes d´aujourd´hui ne répond plus à ce contrat suranné de la participation au bien commun des valeurs civiques : les leurs sont agrégatives, se désolidarisent de celles du pays où ils vivent, et bouleversent par leur violence et leurs exclusions immédiates.
Une société qui se perd lentement, et une nouvelle terrible à admettre : l´intégration est un leurre qui n´a pas fonctionné. Le retour du religieux s´exprime dans un antisémitisme que la France n´a plus connu depuis la Libération.

Agressé et désigné dans la rue en tant que juif, Eli S. reçoit le choc de ces mots qui lui sont jetés sans regarder où ils tombent, cette parole banalisée insidieusement faisant s´écrouler une vie entière de construction. Mais la quête de la recette mystérieuse du berbouche, le surf à Biarritz, les cigares de marque et la vie paisible de Belleville au Café « Chez Maurice » où il recherche un coin de l´Algérie de ses parents, restent les refuges temporaires d´Eli S..

Ce roman alarmiste (par ailleurs quasi autobiographique) est aussi une prière à la vie, Lehaïm – À toutes les vies, quoi qu´il arrive. L´ombre des années noires, la violence dirigée et les alarmes de l´année 2003 retentissent d´autant plus fort qu´en France la question des synagogues ou cimetières profanés a pu ainsi faire banalement l’actualité.

Lehaïm – À toutes les vies, Michaël Sebban
Pocket, Paris, 2005
9,- €

Poupée Bella de Nina Bouraoui

Poupée Bella de Nina Bouraoui

De cette écriture de la vie nocturne à son arrivée dans la capitale, la narratrice confie ses errances dans ce qu’elle nomme le Milieu des Filles, dans ces discothèques où les rencontres sont vives et parfois sauvages. Ce roman de Nina Bouraoui est un baume sur les plaies d’un désir voué à la répétition et au malheur de tout amour.

« Il n’y a aucun malheur homosexuel, écrit-elle, il n’y a qu’un malheur amoureux. » Elle s´attache à la description intime de cette souffrance autant qu’à fixer des moments de pure euphorie, proche de l’expérience poétique d’un sujet littéralement en transe. « Nous avons toutes le même désir et je n’ai pas peur de cela. Je suis faite des filles de la nuit. Je suis faite de cette intelligence-là. Je suis faite de leur violence et de leur douceur. »

Un très beau livre d’amour, court et violent, où les corps se cherchent, où la solitude de chacun est comme qui dirait tragiquement palpable, où la voix de Nina Bouraoui nous touche encore cette fois par ses phrases courtes et si justes.

Commentaire de Nina Bouraoui:

« Dans ce roman, j´ai l´écriture de mon âge, celui que j´avais à cette époque, celui de mes vingt ans ; il parle de ce que peut être aussi pour une femme la souffrance d´en aimer une autre, tout en soutenant que cette souffrance n´était pour moi jamais intérieure. J´aime la beauté des femmes la sensualité et leur douceur, et surtout je n´en ai pas honte. La souffrance venait du monde des autres où je ne trouvais pas ma place. L´homosexualité n´est pas une alternative, c´est une autre forme d´amour qui n´est pas non plus une identité. […] Avoir choisi le métier d´écrire, c´est accepter de rester  en des terres sauvages, et pour parler d´amour dans mes livres je suis obligée de parler des femmes. »

Poupée Bella, Nina Bouraoui
Le livre de poche, Paris, 2005
7,- €

Page 14/19
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EN VITRINE

"Madgermanes" de Birgit Weyhe

"Madgermanes" de Birgit Weyhe

Suivant les trajectoires de 3 personnages fictifs, Birgit Weyhe met en lumière le parcours de de ces 20.000 Mozambicains qui, au début des années 1980, ont été envoyés chez leurs "frères communistes", les Madgermanes comme Made(in)German(i)e, dans une RDA alors en quête de main-d'oeuvre. Leur situation, difficile, s'est rapidement dégradée à la chute du Mur de Berlin. Certains sont restés en Allemagne, d'autres sont retournés en Afrique, se retrouvant comme étrangers dans leurs terres dans les deux cas. Un témoignage sensible et éclairant qui met en perspective les questions des migrations, toujours plus d'actualité. Publié chez Avant-Verlag, Berlin 2016 et Cambourakis, Paris 2017 (traduction de l’allemand par Elisabeth Willenz).

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